Journal de bord

#28[ARTICLE] 5 ans de combat citoyen pour sauver des vies en Méditerranée

Cinq années. Cela fait désormais cinq années que SOS MEDITERRANEE opère en Méditerranée centrale. En cinq ans, notre association a dû faire face à une forte détérioration du contexte dans lequel elle intervient. Mais en parallèle, des milliers de citoyennes et de citoyens se sont engagés à nos côtés. Et c’est grâce à ce soutien exceptionnel que SOS MEDITERRANEE a porté secours à 31 799 femmes, hommes et enfants.

Au commencement il y a cette indignation : refuser de rester les bras croisés face aux naufrages qui s’enchaînent aux portes de l’Europe. Le 31 octobre 2014, l’Union européenne avait mis fin à l’opération Mare Nostrum, lancée par l’Italie deux ans plus tôt, et qui avait permis de sauver plus de 150 000 vies en Méditerranée centrale. En 2015, il n’y avait alors plus aucune capacité de recherche et de sauvetage sur cette route migratoire, qui était pourtant, et est toujours à ce jour, la plus meurtrière au monde.

Au printemps 2015, Klaus Vogel, capitaine de marine marchande allemand, et Sophie Beau, humanitaire française, décident alors de créer l’association SOS MEDITERRANEE avec, à l’époque, une poignée de citoyens européens. En quelques mois seulement, ils affrètent un premier navire de sauvetage : l’Aquarius.

Au cours des premières opérations en février 2016, les membres de l’équipe de sauvetage découvrent, à travers les premiers témoignages des personnes rescapées, ce qu’elles appellent l’enfer libyen : détentions, extorsions, viols, travail forcé …

A l’époque, SOS MEDITERRANEE est soutenue et saluée pour son engagement, par de nombreux acteurs institutionnels et politiques européens.

Mais en 2017, un tournant s’opère : l’association, comme d’autres ONG civiles de sauvetage en mer, doit faire face à de premières campagnes de dénigrement de son action, accusée de « complicité avec les passeurs » ou encore de favoriser un « appel d’air ». Des allégations qui n’ont jamais été fondées.

En juin 2018, l’Aquarius est le premier navire humanitaire à se voir refuser le débarquement de rescapés dans un port européen, par les autorités italiennes. Après plus de 36 heures d’attente les membres de l’équipe de sauvetage et les 630 rescapés épuisés à son bord sont obligés de faire route vers le port de Valence, en Espagne, soit un périple de plus 1500 km, pour enfin pouvoir débarquer.

Parallèlement à la fermeture des ports italiens aux navires humanitaires par le  ministre de l’Intérieur italien de l’époque Matteo Salvini, la responsabilité de la zone de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale est transférée des garde-côtes italiens aux garde-côtes libyens. Dès lors, les ONG de sauvetage en mer doivent opérer malgré une situation totalement chaotique en termes de coordination des sauvetages, les garde-côtes libyens n’étant pas en mesure de mener cette mission. De plus, lorsque ces derniers interceptent des embarcations, ils ramènent les rescapés en Libye, ce qui est en totale contradiction avec le droit maritime international, la Libye ne pouvant pas être considérée comme un lieu sûr.

Alors que la nature même des opérations de SOS MEDITERRANEE vient pallier la défaillance des Etats européens à agir contre le drame humain qui se déroule en Méditerranée centrale, l’association doit en plus faire face au manque de solidarité de l’Union européenne lorsque que des rescapés sont à bord de son navire. A de nombreuses reprises, les rescapés, déjà épuisés et affaiblis par ce qu’ils ont vécu en tentant la traversée, sont restés bloqués sans solution de débarquement pendant des jours et des jours, tandis que les autorités européennes tergiversaient pour leur assigner un lieu sûr de débarquement.

Et, comble du cynisme : SOS MEDITERRANEE, sujette à un harcèlement administratif comme d’autres ONG de recherche et de sauvetage en mer, est désormais empêchée de sauver des vies. Depuis le 22 juillet 2020, l’Ocean Viking est bloqué en Italie, détenu par les autorités italiennes.